Intervenants
: Général
Loup FRANCART (cr), Président d' Eurodecision-AIS, agence d'intelligence
stratégique
Christian
HARBULOT, Directeur de l'Ecole de Guerre Economique.
Animation du débat : Monsieur le Contrôleur Général
des Armées Gérard Hoffmann, Directeur des formations centralisées
de l'IHEDN. |
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Introduction :
Depuis la fin de la guerre froide et la disparition des frontières,
l'information est devenue une matière première stratégique.
Ce n'est malheureusement pas encore une mentalité française
de rechercher l'information et de la considérer comme stratégique.
La France se fait piller (cf affaires Gemplus, Vodaphone ou
Castorama). Aujourd'hui, on parvient à tuer les entreprises
nationales en s'emparant de nos chercheurs et ingénieurs
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Christian
HARBULOT (CH), auteur de "La guerre cognitive, l'arme de la connaissance"
commence par rappeler le contexte de la guerre cognitive.
CH donne une définition de l'intelligence économique : Management
stratégiques de l'information afin d'innover, se développer,
conquérir des parts de marché
Mais en France, l'Intelligence Economique est un concept encore flou, mal
perçu, mal compris.
On observe un déséquilibre de traitement entre 2 aspects de
l'Intelligence Economique :
D'un côté
nous avons l'aspect Développement / Compétition :
Veille technologique, industriel, juridique, commerciale, stratégique.
90% des rapports, ouvrages et études concernent cet aspect de l'Intelligence
Economique.
D'un autre côté,
nous avons la Maîtrise du risque informationnel : Intelligence juridique,
Gestion de crise, Risk Management, Communication offensive directe et
indirecte = guerre cognitive.
que informationnel. Seulement 10% des études concernent ce second
aspect.
Exemple d'usage de la maîtrise du risque informationnel :
Les sociétés qui uvrent dans le domaine du génie
logiciel. Ainsi, une de ces sociétés fournit ses services
à une grande société de réassurance pour surveiller
toute l'information générée par 2000 entreprises
cibles qui sont en difficultés.
CH rappelle ensuite
qu'il y a une mutation des modes d'affrontement.
Nous sommes passés du renseignement à l'influence., ce qui
est nécessaire à une entreprise pour durer dans un cadre
devenu hyper-compétitif.
Avec l' "information dominance" technique et humaine, certaines
entreprises parviennent à dominer par l'information pour servir
les intérêts d'une puissance, et gérer des paradoxes.
Pour cela, il faut absolument comprendre au préalable ce que l'information
représente en terme de poids stratégique.
Ainsi la création d'une ONG comme TRACE
peut servir à dicter des lois dans un domaine de compétence
particulier à l'aide d'un jeu organisationnel de réseaux.
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CH aborde le concept français de guerre cognitive :
Cognitif = capable de connaître, ce qui concerne la connaissance
Guerre cognitive= manière d'utiliser la connaissance dans un but
conflictuel.
Cette démarche a pour but de sensibiliser les décideurs
sur la réactivité à avoir face aux nouveaux enjeux
de la société de l'information.
· Principes : Attaquer, avoir l'initiative. Attaquer c'est
gagner, défendre, c'est perdre. Il faut empêcher l'autre
d'agir, exploiter ses failles, parler à sa place, fragiliser son
image.
Méthodes
: sites internet offensifs, débat sur les newsgroups, réseaux
d'activistes sur la toile, désinformation dans la presse, manipulation/contrôle
d'articles ou de dossiers entiers de grands quotidiens
Champ d'application
de la guerre cognitive aux USA :
- occuper le terrain par la connaissance
- domination linguistique, éducative, morale
Comment fragiliser
le concurrent par l'information ?
La meilleure attaque n'est pas de le tromper mais d'identifier ses points
faibles.
Exemples :
- Alsthom a provisionné pendant 8 ans pour faire face à
un éventuel procès pour son implication dans les problèmes
d'amiante. Un concurrent a exploité cette information qui a entraîné
une chute de l'action en bourse.
- Un concurrent de Sodexho informe que cette entreprise ferait
travailler des détenus de prisons américaines. Le cours
de l'action de Sodexho chute.
Autres exemples d'affaires en cours en terme d'affrontements informationnels
de nature cognitive : Galileo, Gemplus, Altran Technologie, Vivendi
Environnement, Areva et EDF
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Les prétextes de l'affrontement informationnel :
- parasiter l'image d'un concurrent
- capter les technologies étrangères
- les nouveaux besoins en terme de sécurité issus de l'après
11 septembre
- la conquête de nouveaux prés carrés stratégiques.
Aujourd'hui, des champs entiers de l'économie donnent lieu à
des logiques de puissance.
Un cas d'école : L'Union Européenne veut créer la
Cyber Security Task Force. Pour ce faire, La commission de Bruxelles a
mandaté des experts de la Rand Corporation pour travailler sur
les vulnérabilités de l'Union européenne, l'identification
des ses failles en matières de sécurité informatiques.
Mais la Rand Corporation Europe, n'est que la filiale de la Rand Corporation
de Santa Monica, Californie. http://www.rand.org/
L'Europe n'utilise pas ses propres moyens et permet donc aux USA de "s'introduire"
dans le système européen.
Le problème c'est qu'il n'y a donc pas à l'heure actuelle
de contrepoids européens aux réseaux d'experts américains.
Malgré tout, il y a une possibilité d'une approche originale
européenne sur le thème de la manipulation de l'information.
Il faudrait emboîter le pas des USA qui travaillent sans cesse n
réseau et prennent l'initiative.
Quel est l'intérêt d'une guerre cognitive du faible
au fort ?
- ce ne sont pas les mêmes clés que celles qui régissent
un conflit classique
- l'avantage est à l'attaquant
- les moyens financiers et humains ne déterminent pas obligatoirement
l'issue d 'un conflit. Exemple : la suprématie des Vietcongs pendant
la guerre US du Vietnam.
Pour conclure, Christian
Harbulot rappelle les sites webs "liés" à l'Ecole
de Guerre Economique :
Infoguerre.com
sur la guerre de l'information,
Lobbying-europe.com,
portail du lobbying
C4ifr, Conseil en Intelligence
Economique offensive,
Merkatis.com, Agence
conseil en Intelligence Juridique
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Le
Général Loup Francart (cr) intervient ensuite.
Le Général
rappelle tout d'abord que les concepts de la guerre de l'information connus
dans les armées restent les mêmes dans le civil.
Dans son ouvrage, "Infosphère et Intelligence Stratégique,
les nouveaux défis", il démontre qu'information et
stratégie sont étroitement imbriqués. L'information
et la communication servent à nous faire appréhender la
réalité.
La Guerre de l'information
:
Née de la guerre électronique de la seconde Guerre Mondiale
et de la guerre psychologique, l'infoguerre, guerre des réseaux,
recouvre de nombreux domaines :
guerre électronique, informationnelle, psychologique, gestion des
perceptions, actions d'influence, atteint"des capacités, guerre
médiatique
Cas pratique : The Carlyle Group.
Le groupe Carlyle regroupe 537 investisseurs dans plus de 55 pays. Il
a comme Directeur Général Franck Carlucci, ancien de la
CIA sous Carter, comme Directeur européen,John Major, ex-premier
ministre britannique, comme Conseiller George Bush senior, James Baker
ex-secrétaire d'état de bush senior et Ramos, ancien Président
des Philippines.
A noter parmi les investisseurs, le Saudi Bin Laden Group
70% des capitaux
de Carlyle sont placés dans l'industrie de l'armement ou des télécoms.
Le groupe détient par exemple United Defense (blindés)
ou Vaughn (Avionique).
En Europe : Bofors Defence, Andritz (fusées), Hansel
En outre, Carlyle met à disposition de différents états
de "conseillers militaires".
En France, Henri
Martre appartient à Carlyle Europe en tant que Europe Partners
Advisory Board (est par ailleurs présent au conseil d'administration
de GIAT, Eurocopter, Siemens, SFIM
).
En France, Carlyle
après avoir tenté de s'emparer du Figaro et de l'ensemble
de Vivendi Publishing (Dunod, Nathan, Larousse, Bordas..), est tout de
même parvenu a racheter un titre du groupe : l'Usine Nouvelle
et ce n'est pas un hasard. A noter que l'Usine Nouvelle a formé
des partenariats dans le domaine de la recherche avec le CNRS
The Carlyle Group
se présente comme un groupe d'investisseurs qui effectue des plus-values
en achètent puis revendant des sociétés. Mais c'est
faux pour ce qui concerne les sociétés liées à
la défense. Celles-ci demeurent au sein du groupe.
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Maîtriser
l'information
permet également d'imposer un modèle de société,
de culture, d'économie, de cadre juridique. Cette imposition concerne
directement nos cadres de pensées. Les paradigmes sont notre façon
de percevoir le monde et définissent notre style de vie.
Exemple : la guerre
des normes. Récemment, le World Economic Forum nous informe que
la France est passé du 20ème au 30ème rang mondial
en terme de compétitivité.
Mais les critères de classement (la technologie, le poids de l'administration..,
l'environnement macro) sont définit par les USA. Le classement
dépend bien sûr de ces critères. On peut ainsi s'étonner
que le critère du déficit public (record et en augmentation
depuis 10 ans aux USA ne soit pas pris en compte).
Autre exemple : le
protocole de Kyoto qui concerne 83 nations.
Parmi les mesures :
- Création de permis d'émission de cO2
- Les entreprises peuvent acheter des quotas d'émissions ou en
vendre, selon qu'elles polluent plus ou moins.
On a donc un marché de permis négociables.
Cela rapporte aux entreprises de moins polluer mais, par ce système,
les plus riches s'arrogent le droit de polluer
On joue donc encore une fois sur des normes, imposées ici par les
nations les plus pollueuses.
Depuis 10 ans, les USA publient très largement leur doctrine militaire
sur le web. Les autres pays, à force de lire ces idées,
se pénètrent inconsciemment du modèle et notions
américaines de défense.
Objectif : les USA amènent le maximum de pays à penser comme
eux.
Nous devons nous doter de moyens de concevoir et percevoir le monde à
notre manière.
Il y a en fait 3 options :
1. Contribuer à penser le monde pour vivre et agir en européen
2. Contester les USA mais sans penser pour autant le monde.
3. Penser le monde comme les USA pour tirer ensuite notre épingle
su jeu. Mais on risque alors la perte d'identité. Vivendi Universal
à voulu penser son organisation à l'américaine
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Un
débat est ensuite animé par le CGA Gérard Hoffmann.
Quelques questions et réponses
L'ennemi est-il les USA ?
Gen L.F : Non. Mais il faut parvenir à penser par nous-même.
La convention européenne permet de décider autre chose sans
pur autant s'opposer aux USA.
Existe-t-il
une stratégie européenne de guerre cognitive ?
Gen. LF : non, il n'y pas de réflexion dans ce domaine. Il existe
des organismes isolés mais pas de vision stratégique globale.
CH : la démarche française est microscopique. Il n'y a pas
d'organisation européenne. Il faut lancer les débats et
espérer des prises d'initiatives des Etats.
Existe-t-il une vision européenne qui puisse contrecarrer
celle des USA ?
Gen LF : En Europe, nous n'avons pas l'habitude de travailler comme les
USA. Les conseillers des hauts politiques américains réfléchissent
et créent leur vision du monde. En Europe, on croit peu aux conseillers
qui rendent optimale la compétence d'un gouvernement.
CH : Nous n'avons pas su depuis 30 ans organiser les nouveaux pré
carrés de puissance par le dialogue (ou la polémique d'ailleurs).
Les USA l'on fait notamment sous les législatures Clinton.
Il y a un déficit en France : on s'attache à préserver
la puissance mais pas à l'accroître. Chaque pays européen
veut garder son pré carré de compétences.
Peut-on convaincre
les britanniques d'avoir une vision européenne dans ce domaine
?
Gen. LF : Les anglais ont toujours été orientés vers
le renseignement. Nous avons beaucoup de retard sur eux car dans notre
mode de pensée du renseignement, on agit peu, on réagit
seulement. Les britanniques ont de l'intérêt pour tous les
types de renseignement et coopèrent étroitement avec les
USA. C'est donc difficile de collaborer avec eux.
CH : Remarque sur l'affaire Gemplus, en terme de mode de renseignement:
il aurait été bon d'identifier au préalable cette
technologie stratégique et critique. Il faut dans ce cas amener
les USA à un "deal" pour qu'ils réduisent la part
de leurs capitaux.
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Remarque
: Ce petit compte-rendu entend rendre compte dans ses grandes lignes du
contenu de la conférence de 2H du 18 novembre. Il ne prétend
pas être exhaustif et rapporter la totalité des propos qui
ont y été tenus. |
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