La stratégie de communication de Google ? C'est l'absence de communication par les canaux médias traditionnels.
1. Les autres : La communication classique. Regardons les moteurs ou portails qui offrent des services de recherche aux internautes français. Voila.fr bénéficie de la puissance média de son groupe France Telecom. Tous les médias sont utilisés : affichage 4x3, presse ("Faites un vu et puis Voila"), sponsoring d'émission télé à forte audience (le Loft), événementiel (accompagnement de sortie de films) et bandeaux de pubs on-line. Qui plus est, l'internaute français qui s'abonne via Wanadoo est sensibilisé à Voila.fr dès ses premiers pas sur le net. Lycos : "Lycos va chercher !" bien sûr. Tout le monde ou presque connaît la truffe du labrador (pardon, du Retriever) noir décliné en télévision, radio, presse, bandeaux on-line et que l'on retrouve habilement sur les sites du groupe. Aol.fr : le portail vient de s'enrichir d'un très bon outil de recherche mis au point conjointement par Cybion et Exalead. Très difficile d'échapper aux CD-rom, spots télé et bandeaux de la société de Virginie. Une communication rouleau-compresseur assez agressive. Yahoo! France: les français ont quasiment découvert l'internet avec cette marque mythique. Une communication tout en douceur avec ses chartes graphiques jaunes et violettes que l'on voit un peu en télévision, en radio et lors de quelques "coups" ponctuels : par exemple les portillons du métro parisien décorée aux couleurs de la marque. Inutile peut-être pour Yahoo! de dépenser des millions lorsque l'on bénéficie d'une telle notoriété auprès des internautes. Pour l'ensemble de la population française, c'est autre chose. L'enquête CSA-Capital du mois de novembre 2001 révèle que 21% des français ne connaissent pas Yahoo! "Ces marques font beaucoup de bruit mais restent confinées à un public restreint, très parisien et plutôt branché" révèle l'étude . De là à parler de la France d'en haut et la France d'en bas, il n'y a qu'un pas. Voila, Lycos, Aol et Yahoo! ne sont pas des outils de recherche à proprement parler mais des portails qui proposent parmi leurs services un moteur de recherche (développé par Echo pour Voila, par AlltheWeb pour Lycos..). Les moteurs de recherche purs communiquent rarement en tant que tel. Car un moteur, c'est mécanique et technique, des algorithmes et des milliers de serveurs. Une exception toutefois : Hotbot, qui a bénéficié au printemps 2001 d'une campagne de publicité presse et radio qui communqiue sur la précision. Le titre : "Vous ne trouverez que ce que vous cherchez", la signature : "Hotbot, la recherche de précision de Lycos". Le moteur fait en effet partie du groupe Lycos.
a. Les communiqués de presse Pas une semaine (voire même pas un jour) sans que l'on parle de Google dans la presse spécialisée web, économique ou même grand public. Exemple du mois de mai 2002 : 2 mai : Aol signe avec Google. Impossible d'échapper à cette nouvelle, reprise par des centaines de médias web et économiques. 6 mai : Yahoo! va-t-il reconduire son partenariat avec Google ? 13 mai : contrat de Google avec la BBC 26 avril : Google annonce la nomination de Daniel Rosensweig comme COO (Chief Operating Officer. Ces informations concernent des contrats ou mouvements stratégiques pour la firme de Mountain View. Mais outre ces infos corporate et business, la moindre sortie d'un nouveau produit ou d'un service fait l'objet de nombreux articles dans la presse : 22 mai : les Google labs. Le moteur propose aux internautes de tester en ligne de nouvelles fonctionnalités. Là où un Alltheweb reste discret sur ses développements en cours, Google en fait un nouvel argument de communication.
Quand Google inc. ne produit pas de communiqués, ce sont d'autres sociétés qui se chargent de parler du moteur. Sur un mois donné, une bonne dizaine de firmes d'audience du net communiquent leurs résultats et baromètres: E-stat, Xiti/1ere position, JupiterMMX, Nielsen/Netratings, NetBooster/Weborama, etc... (2). Google est souvent en tête des classements et fait donc encore parler de lui, et l'évoquer dans le titre du rapport ou du communiqué, c'est une assurance d'audience.
Même les concurrents semblent devoir communiquer à travers Google pour s'assurer une bonne couverture média. Le 1er avril 2002, le moteur Teoma lance officiellement sa nouvelle version. Dans ses communiqués officiels, Apostolos Gerasoulis, le fondateur de Teoma, se pose comme le concurrent n°1 de Google. Le thème "Teoma, Google Killer" est évidemment repris par tous les médias spécialisés. Mais là encore, c'est de la pure communication, une belle accroche. Comme le fait remarquer Chris Sherman dans l'excellent SearchEngineWatch , "présenter Teoma comme Google killer, cela fait un bon titre, mais on est loin de la réalité". Si Teoma est un bon moteur de recherche, il ne représente pas de menace pour Google, ne serait-ce qu'eu égard à la petite taille de son index. Mais se présenter comme le "AltaVista killer" aurait produit bien moins d'articles Au mois de septembre 2001, Chris Sherman, toujours, avait relevé le battage médiatique autour du moteur Wisenut qui se présentait là aussi comme le Google killer. Même remarque que précédemment pour Teoma : cela fait un beau titre, un beau claim du style David contre Goliath mais ne correspond en rien à la réalité. Son article : Wisenut, the Google Killer? Nah Autre exemple : le 17 juin 2002, AlltheWeb annonce indexer plus de pages que Google. Dans la guerre que se livrent les moteurs de recherche pour la taille de leur index, AlltheWeb se positionne par rapport à son concurrent Google : 2,1 milliards de pages pour le moteur norvégien contre 2,07 pour Google. La différence est minime entre les 2 index (qui plus est, l'index est un argument qui à lui seul ne définit par la performance d'un moteur) mais la dépêche est reprise par tous les médias plus ou moins spécialisés. Effet garanti à quelques jours de la fin du contrat qui lie Yahoo! à Google pour l'utilisation du moteur de recherche. Astucieux d'autant qu'AlltheWeb souffre d'un gros déficit d'image et de notoriété par rapport à Google. C'est certainement son plus sérieux et véritable concurrent mais il est seulement connu des internautes avertis et peu du grand public.
d. La communauté de fans utilisateurs 22 avril : Google lance Google Answers en version bêta, service payant de questions en ligne à des experts. Même un nouveau service, somme toute banal, loin d'être révolutionnaire est repris par les médias parce qu'il est issu du moteur le plus fun, cool, tendance mais aussi parce que c'est un bon outil. Car toute cette communication ne peut exister et être efficace que parce qu'à la base le produit est bon et donc très apprécié du public qui l'utilise. C'est ce public qui constitue un des médias les plus importants du moteur de recherche. Tous ces utilisateurs accrocs, spécialistes ou critiques des moteurs agissent comme autant de VRP. Il existe des milliers de sites web qui parlent de Google et certains lui sont même entièrement dédiés. Je ne suis moi-même pas le dernier à en parler ;-)
Pour se détendre, le site miroir de Google, rigoureusement indispensable : elgooG
Les forums, groupes de discussions (newsgroups) et weblog (journaux perso en ligne) guettent également les moindres faits et gestes du moteur. Grâce à ces espaces de communication, on peut par exemple savoir à l'heure près quand Google met à jour son index. Search Engines Forums Google WebmasterWorld Google Le Googlegroup consacré à Google
Cette "googlelisation" de la recherche d'infos sur le net pourrait donner l'impression qu'en dehors de Google, point de salut pour trouver. Ne pas obtenir ce que l'on cherche via Google pourrait signifier que l'information n'existe pas (comme l'événement qui n'a pas eu lieu s'il ne bénéficie pas d'un reportage, qui plus est en image). Dans l'iceberg qui représente la masse considérable d'information disponible sur le net, Google permet d'accéder à un glaçon de la partie immergée, glaçon qui augmente constamment en volume mais moins vite que celui de l'iceberg. La communication écrasante de et autour de Google ne doit pas faire oublier d'autres moteurs de recherche grand public performant comme AlltheWeb, et plus spécifiquement pour les internautes français, Aol.fr, excellent outil.
Quel avenir pour la présentation de résultats en vrac ? Si Google n'offre pas de techniques de catégorisation et de mots-clés comme Wisenut, Teoma et Aol.fr, certains internautes ne risquent-ils pas de se lasser de ces listes de réponses brutes? A suivre, l'évolution de tous ces outils dans les prochains mois. Mais ça, c'est une autre histoire
Christophe ASSELIN. 05|08-02.
(1) Google utilise tout de même un axe traditionnel de communication : les objets publicitaires. Vêtements, accessoires de bureau et autres mugs sont disponibles sur le Google Store. Attention cependant aux frais de port pour ces objets venant des USA. Dans certains cas, ce coût peut représenter plusieurs centaines de dollars US. Mais quand on aime . (2) Plus d'infos sur les mesures d'audience du web (3) L'API est une bibliothèque logicielle qui facilite les communications entre une application résidente et une application externe.